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Néo-nomadisme : les tendances lourdes du “travailler léger”

Dans : Le bureau de demain

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Dans Tristes Tropiques, Claude Levi Strauss revient sur la notion de voyage : “On conçoit généralement les voyages comme un déplacement dans l’espace. C’est peu. Un voyage s’inscrit simultanément dans l’espace, dans le temps et dans la hiérarchie sociale. Chaque impression n’est définissable qu’en la rapportant solidairement à ces 3 axes (…) En même temps qu’il transporte à des milliers de kilomètres, le voyage fait gravir ou descendre quelques degrés dans l’échelle des statuts. Il déplace mais aussi il déclasse — pour le meilleur ou pour le pire.”

La citation est reprise par l’architecte Yasmine ABBAS dans son ouvrage Le néo-nomadisme. L’auteure y évoque la mobilité physique, digitale et mentale, trois niveaux qui lui permettent de construire des types de néo-nomades. “On se déplace sans bouger de chez soi, on reste hyper connecté en se déplaçant. Les curseurs et les repères changent, l’architecture aussi”.

Le néo-nomadisme impacte tous les champs de la ville et de la vie : loisir, enseignement, logement, travail. Ce dernier compartiment est très largement impacté depuis une dizaine d’années. Le nomadisme au travail n’est pas une situation transitoire ou permanente, il constitue plutôt une caractéristique de notre époque. Il apparaît comme l’une des voies susceptible d’apprivoiser les nouvelles formes de travail, à l’heure où se fait plus que jamais sentir le besoin de « travailler léger ».

☞ Le nomadisme au travail : succès & typologie

✭ Etat des lieux

D’après une étude JLL menée en 2017, 42% des français ont adopté l’idée selon laquelle en 2030 les travailleurs seront tous nomades. Voici donc annoncée la fin du bureau comme lieu de travail principal. Le phénomène est illustré par une série de chiffres éloquents. Ainsi, 59% des français jugent totalement crédible la fin du bureau attitré dans l’entreprise ; 65% des Français travaillant dans un bureau sont intéressés par le télétravail (dont 24% qui le pratiquent déjà). Une autre étude réalisée par IPSOS en 2012 révèle que 70% des français estiment que le télétravail est une bonne chose pour le rythme de vie ; 64% des Français interrogés considèrent que c’est une bonne chose pour les salariés, et 62% que le télétravail favorise l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Cette même étude s’arrête sur des avantages précis, à commencer par la performance économique : 55% estiment que c’est une bonne chose pour l’entreprises et plus d’un sur deux pensent que le télétravail favorise l’efficacité. Concernant l’impact environnemental : 79% évoquent la réduction des embouteillages, et la décentralisation de l’économie en Province (71%). Une opinion plus répandue chez les Franciliens (respectivement 83% et 76%).

Ces opinions favorables face au télétravail sont à lire en regard d’une autre donnée, non moins significative : la croissance du nombre de tiers-lieux en France. L’appellation “tiers-lieux” regroupe des typologies d’espaces variés (espaces de coworking, télécentres, centres d’affaires) tous susceptibles d’accueillir des travailleurs nomades.

Un mapping réalisé par Néonomade recense tous ces lieux. En 2016, la France comptait plus de 800 tiers-lieux alors que ce chiffre ne dépassait pas les 250, six ans plus tôt. Les espaces de coworking ont connu le développement le plus important. En 2010, seulement 16 espaces de coworking existaient en France (contre 200 centres d’affaires). En 2017, le coworking devenait la forme de tiers-lieux la plus répandue avec 600 espaces disséminés sur l’ensemble du territoire (contre 280 centres d’affaires). Si l’Ile-de-France reste la première zone avec plus de 300 tiers-lieux, les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur ne sont pas en reste avec respectivement 90 et 75 tiers-lieux.

indice du coworking

Ces dix dernières années, le travail nomade s’est installé en France, à la fois dans les esprits et sur le territoire. Pour comprendre cette mobilité et bien discerner les enjeux à venir, il faut tout d’abord distinguer ses formes, relatives à différents déterminants : le statut du travailleur, la nature de l’espace de travail, la durée et la fréquence de sa mobilité. Il est toutefois possible de les regrouper en deux groupes distincts : le nomadisme au sein de l’entreprise et celui opéré en dehors de ses murs.

✭✭ Le nomadisme intra-entreprise :

Nombreuses sont les entreprises à inciter à la mobilité entre leurs murs. Cette mobilité aura une amplitude variable selon les initiatives de l’entreprise. Quels que soient les cas, le salarié n’effectue pas son travail depuis son poste habituel. L’objectif est de le sortir de son traditionnel bureau fermé pour profiter d’espaces de travail ouverts privilégiant les échanges : salle de réunion, bureaux partagés, open space… Certaines entreprises ayant plusieurs sites vont inciter leurs collaborateurs à se déplacer pour partager et croiser les expériences avec l’ensemble des salariés.

Nombreuses sont les pratiques favorisant la mobilité des salariés. Ces innovations managériales sont décrites par une grappe de néologismes anglophones incluant le flex office, le desk sharing ou encore le corpoworking (lire notre glossaire du Future Of Work). D’une façon générale, le flex office désigne un ensemble de pratiques facilitant la mobilité du collaborateur : télétravail, poste de travail partagé dans un espace de 10 personnes maximum, ouverture de salle dédiée à des usages (réunion, confcall, brainstorming, sieste, etc.) Certaines entreprises vont jusqu’à mettre en oeuvre le desk sharing, une pratique qui proposent aux salariés de s’installer où ils le souhaitent. En d’autres termes, la fin du poste de travail attitré.

L’ensemble de ces pratiques se retrouve sous l’appellation de corpoworking, un mode de gestion lancé par des entreprises reprenant les codes du coworking : flexibilité, espaces d’échanges, création et animation d’une communauté. Installées au sein d’un seul et même espace, les équipes sont incitées à collaborer pour partager leurs expériences et compétences. L’objectif ? Favoriser l’entraide et les synergies au sein des équipes de l’entreprise. Favoriser un management horizontal et la transformation de l’entreprise. Dans tous ces environnements, l’ordinateur portable est la norme, le Wifi indispensable.

A la “Villa Bonne Nouvelle” d’Orange

Ces dernières années, des grands groupes se sont lancés dans ce type d’organisation. Depuis 2010, le Groupe Crédit Agricole a regroupé toutes ses filiales sur le site Evergreen. L’enjeu : regrouper près de 9000 salariés sur un seul site en changeant radicalement les méthodes de travail et de management en passant de la verticalité d’une tour à l’horizontalité d’un campus ouvert où le travail nomade est facilité. A moindre échelle, la Villa Bonne Nouvelle d’Orange propose un fonctionnement semblable tout en accueillant 30% de start-up venues de l’extérieur. Cette ouverture à des cultures d’entreprises différentes se rapproche véritablement du coworking.

✭✭✭ Le nomadisme extra-entreprise

Au-delà d’une mobilité au sein de ses murs, l’entreprise peut proposer à ses collaborateurs de travailler en dehors. Le nomadisme extra-entreprise vise tous les travailleurs mobiles : ceux ayant des fonctions nécessitant des déplacements mais aussi tous les télétravailleurs. Là encore, cette mobilité prendra différentes formes selon l’espace de travail concerné, la durée et la fréquence de cette mobilité.

Le télétravail est l’appellation générique qui englobe l’ensemble de ces mobilités extra-entreprise. Ce panel inclut notamment la forme la plus ancienne du télétravail : le home office. Lancé par les professions libérales, cette pratique reste la plus répandue aujourd’hui. En France, 64% des télétravailleurs restent à domicile (étude Kronos, 2016) et cette pratique s’étendrait aujourd’hui à 15% des salariés français. Le chiffre est discutable car il désigne des mobilités à durée très variable. Certains salariés disposant d’une journée par semaine alors que d’autres sont libres de choisir leur nombre de jours télétravaillés.

morning coworking stalingrad
L’espace Morning Coworking de Stalingrad (Paris).

Mais tous les nomades ne pratiquent pas le home office, loin de là. Parmi les mobilités extra-entreprises, il faut souligner l’importance croissante des tiers-lieux (coworking, centres d’affaires, télécentres). Certaines entreprises vont s’appuyer sur cet éventail de choix pour proposer une mobilité à leurs employés. Certaines structures vont même jusqu’à abandonner le bureau fixe pour n’embaucher que des télétravailleurs. Ainsi, l’entreprise Buffer compte 71 collaborateurs répartis dans 16 pays, 40 villes et… aucun bureau fixe. Maxime Berthelot (Product Manager) raconte les débuts traditionnels de l’entreprise : « Il y a bien eu un bureau quelques mois à San Francisco mais les rares salariés de la ville ne s’y rendaient même pas. » Chez Buffer, une vingtaine de personnes résident à New-York et Londres, les autres sédentaires étant disséminés aux quatre coins du globe. En revanche, une bonne moitié des salariés est constitué de digital nomades. Au sein de ce groupe, il faut distinguer ceux qui ont une adresse fixe (qui reviennent chez eux une partie de l’année) et ceux qui n’ont même pas de domicile fixe. Ce profil ultra-nomade concerne environ 15 personnes, soit près d’un quart des salariés !

☞ Le « travailler léger », résultat de mutations lourdes.

Pour Thierry Crouzet, auteur de L’Alternative Nomade, «nous traversons une mutation équivalente à la transition néolithique, mais en sens inverse. Avant le néolithique, sur les territoires faiblement peuplés, les nomades manquaient d’interconnexions pour développer la spécialisation-coopération. Avec les nouvelles technologies nous nous trouvons dans une situation contraire. Le nouveau nomadisme booste la complexité sociale et maximise notre individuation, à un stade jamais atteint dans le monde sédentaire.» Cette évolution a touché très largement le monde du travail où chacun dispose d’un ensemble d’outils pour prendre la main sur sa trajectoire professionnelle.

✭ Une révolution technologique qui accélère toutes les mobilités

Depuis la moitié des années 1990, des changements technologiques majeurs ont bouleversé le monde du travail et accéléré sa mobilité. Après l’explosion de l’Internet, la multiplication des ordinateurs et téléphones portables et le déploiement des réseaux Wi-Fi ont déclenché une révolution sans précédent. Le mouvement s’est ensuite poursuivi avec l’arrivée des smartphones. Progressivement, l’arrivée de nouveaux logiciels open source et le web 2.0 ont permis aux particuliers de créer et de partager leurs propres contenus. Le cloud a ensuite rendu possible l’accès à tous types de contenus. La technologie n’est plus un obstacle, au contraire.

Aujourd’hui, ce nouvel écosystème digital poursuit ses mutations. Chaque année, de nouvelles applications voient le jour et facilitent la mobilité en s’appuyant notamment sur la géolocalisation. Ces innovations concernent tous les services, notamment ceux dédiés à l’organisation du travail : Dropbox, Google Doc, Buffer, Skype, Slack, WebEx, etc. Chaque entrepreneur ou salarié de la planète peut travailler n’importe où, n’importe quand.

Pourtant, cette tendance lourde ne touche pas tout le monde au même moment, avec la même intensité. Clément Alteresco, (Fondateur de BAP) précise ce point : « Pour les plus jeunes, la mobilité est naturellement ancrée dans l’environnement de travail. Bouger tout le temps, changer 5 fois de bureaux dans la journée, échanger sur slack, etc. Tout cela est la norme pour ceux qui ont la vingtaine. Mais ce n’est pas le cas dans de tous les salariés évoluant, ni de toutes les boîtes. Au sein de certaines structures — plus traditionnelles, plus verticales — on “pointe” encore à l’entrée. Toutes ces entreprises vont devoir changer, c’est à nous de les accompagner. »

✭✭L’entreprise agile, la norme incontournable.

La connaissance du marché, de ses acteurs et de ses innovations est incontournable pour la survie d’une entreprise. La chose n’est pas neuve mais n’a jamais été aussi vraie. Les développements technologiques énoncés plus haut ont exacerbé la concurrence et la vitesse de développement des nouveaux produits. Cette révolution digitale a un impact énorme sur l’organisation du travail qui se traduit par davantage de mobilité, et moins de verticalité. Les entreprises doivent réinventer leur façon de travailler pour améliorer les collaborations entre travailleurs.

Ces dernières années, tous les secteurs se font régulièrement chahuter par l’arrivée de nouveaux entrants qui réinventent produits et services avec de nouveaux business models. Les start-ups bénéficient désormais d’un même accès à l’information et aux technologies que des acteurs historiques. Plus besoin d’atteindre une taille critique pour venir jouer les trublions. En très peu de temps, Uber, Netflix ou Spotify ont su trouver leur part du marché, quitte à inventer le leur.

Pour suivre le rythme et ne pas avoir un train de retard, les employeurs doivent mettre leurs collaborateurs dans une posture d’apprentissage permanent. Au-delà de la formation interne, les membres d’un même groupe doivent collaborer avec des talents extérieurs à leur organisation. Ce besoin de partage d’expériences explique en grande partie le succès des espaces de coworking qui permettent ce genre de mixités.

L’embauche de collaborateurs nomades peut aussi s’avérer bénéfique sur le plan stratégique et économique. En effet, les travailleurs mobiles offrent un accès à un vaste pool de recrutement mondial à moindres frais. Maxime Berthelot (Buffer) revient sur un cas très concret : « Un recruteur Montpelliérain ne trouvera pas forcément une compétence dans sa région, il aura tout intérêt à recruter un nomade pour renforcer ses équipes. Mais ce n’est pas là le seul intérêt à l’embauche de profil nomade… Prenons l’exemple d’une entreprise implantée dans la Silicon Valley. Celle-ci sera obligée de proposer des salaires très élevés pour attirer un développeur qui devra vivre à San Francisco alors qu’une entreprise embauchant des profils 100% nomades ne connaîtra pas ce type de contraintes financières. »

✭✭✭ Une révolution de l’espace de travail.

Comme énoncé plus haut, les espaces de travail connaissent une véritable mutation. Le traditionnel bureau (fixe et fermé) est en train de disparaître au profit d’espaces nouveaux, aménagés au sein de l’entreprise ou en dehors. Avec plus de 500 espaces de coworking ouverts en France depuis 2010, le boum des tiers-lieux illustre cette révolution. Mais au-delà des chiffres, cette révolution est marquée par un changement radical de référentiel. Désormais, l’espace de travail n’est plus le bureau traditionnel — ce lieu associé à une personne — mais un endroit façonné pour un usage.

Clément Alteresco (Fondateur de BAP) étaye le propos : « Dans un espace de coworking, vous trouverez des espaces pour vous concentrer, partager, créer, respirer… Le fait d’attribuer un espace de travail à une personne n’est plus du tout d’actualité. »

Au fil de son histoire, l’espace de travail a subi des évolutions suivant une problématique simple : comment organiser la disposition entre le travailleur et son outil de travail pour optimiser sa rentabilité ? Or, la société industrielle a muté en société de services au sein de laquelle l’outil de travail est largement mobile et/ou dématérialisé.

Ainsi, l’agencement des espaces ne s’inscrit plus dans le même référentiel. C’est l’optimisation des échanges entre les travailleurs qui va guider l’agencement des espaces. Flex office et desk sharing seront bientôt la norme et les innovations technologiques incessantes rendront les espaces toujours plus “liquides”. Dans son ouvrage Le néo-nomadisme, l’architecte Yasmine Abbas souligne les questions soulevées par l’aménagement d’espaces nomades. Comment s’ancrer dans l’espace ? Quelles émotions lui associer ? Les espaces de travail seront rythmés par différents binômes : intérieur/extérieur, partage/confidentialité, déconnexion/reconnexion… Pour pouvoir effectuer ces bascules de manière souple, les architectes se sont mis à créer de véritables “lieux mouvements”.

Ces mutations architecturales seront accompagnées par des innovations technologiques, à l’instar des modules de réservation instantanée qui permettront de venir occuper ces lieux très facilement, sans engagement, immédiatement. Le Groupe BAP travaille actuellement sur le lancement de son logiciel FLEX, qui met à disposition des grands groupes un outil de réservation de salle de réunion et d’espace de coworking pour l’ensemble de leurs salariés.

☞ Le coworking, catalyseur de tous les enjeux du travail nomade

Si l’on en croit la tendance actuelle, le travail nomade deviendra donc, dans les années à venir, la norme pour l’ensemble des professions qui ne sont pas structurellement rattachées à un lieu précis. Dans ce contexte, l’espace de coworking — terre d’accueil de tous les nomades professionnels — sera le mieux placé pour remplacer feu le bureau traditionnel.

Ces espaces mouvants accueillent aussi bien télétravailleurs indépendants, salariés détachés de grands groupes ou collaborateurs d’entreprises implantées en coworking. Ce large panel — en croissance permanente — redessine chaque jour les contours du travail nomade et ses enjeux. En ligne de mire ? Les attentes des travailleurs comme celles des entreprises.

✭Les enjeux individuels

Une étude réalisée par NéoNomade en 2016, mettait en lumière trois freins face à la pratique du home office : #1 la limitation des relations avec les collègues ; #2 le risque de faire trop d’heures supplémentaires ; #3 le risque de voir sa vie professionnelle empiéter sur la vie personnelle.

En 2017, le gouvernement français rédigeait une nouvelle loi sur le télétravail pour gommer ces craintes face au home office. Des craintes qui révèlent — par contraste — une idée des enjeux individuels posés par le travail nomade. Aux yeux des personnes interrogées, le lien social (partage / connexion / collaboration) est fondamental tout comme un haut niveau de confiance avec son employeur.

Si l’espace de coworking semble résoudre le problème de l’isolement, il faut cependant prendre garde à une mobilité excessive, comme le souligne Maxime Berthelot (Buffer) : « Les ultras-nomades doivent faire attention aux dommages d’une mobilité excessive. Un intervalle de temps minimum est nécessaire pour instaurer sa routine, travailler en changeant de pays tous les 10 jours n’est pas possible. Il faut pouvoir trouver son quartier, son café de prédilection, installer ses habitudes. » Précisons que l’entreprise Buffer prend à sa charge les frais de coworking de ses employés pour que personne ne soit contraint à rester seul chez soi.

Le lien social est le cheval de bataille de BAP. Un pilier fondamental, à la base de la définition du coworking selon Clément Alteresco : “Il s’agit d’une forme de travail où le lien social entre les coworkers est le vecteur principal de réussite. Au-delà des moyens matériels et financiers déployés, c’est le partage entre entreprises qui est capable de déclencher un élan vertueux entre coworkers.” Le rapport de la Fabrique Spinoza sur le bien-être au travail (2013) publiait une conclusion allant dans le même sens : « La performance du collaborateur épanoui est augmentée grâce à une meilleure santé, un plus fort engagement et un comportement avéré de coopération ».

L’espace Morning Coworking — Trudaine.
L’espace Morning Coworking — Trudaine.

Pourtant, une étude réalisée par JLL en 2017 révèle qu’une proportion significative de managers français reste réticents face à l’éloignement de leurs collaborateurs. Dans la culture française, le management reste encore très vertical, fondé essentiellement sur le contrôle et le management par tâches. Très en retard sur les scandinaves, les managers français — éduqués à l’école du présentéisme — redoutent les abus liés au travail à distance. Ce problème lié à la confiance conduit à repenser l’organisation et la culture d’entreprise.

✭✭ L’impact sur la culture d’entreprise

Le succès du travail en remote révolutionne le management des entreprises. Le manager n’est plus celui qui contrôle la présence des employés, ou le nombre d’heures effectuées. Dans ce nouveau modèle c’est la confiance entre employeur et employé qui prévaut. C’est elle qui permettra une plus grande souplesse de « l’espace-temps » de travail. Sans cette confiance, le changement d’organisation horizontale — exigée par les changements de société (lire plus haut) — n’est plus possible.

La mobilité du travail a également fait bouger d’autres lignes. Pour recruter et retenir les talents, les RH font face à une exigence nouvelle de la part des candidats. Le salaire ne semble plus être l’élément le plus déterminant dans les négociations, d’autres arguments pèsent dans les échanges, comme le sens donné au travail, l’autonomie du travail et la possibilité de l’organiser plus librement.

Mais au-delà de la confiance « employeur-employé », la mobilité du travail fait apparaître un autre enjeu, moins contraint — mais plus délicat : comment construire une culture d’entreprise stable dans un univers en mouvement permanent ?

Partout les structures abandonnent la pyramide pour le management en réseau. L’objectif pour construire une culture forte ? Fédérer les salariés, sentir une communauté de valeurs même si les espaces de travail bougent. “Il faut absolument éviter que des silos s’installent car les échanges y sont limités.” confie Marie Barbier, responsable RH du groupe BAP. Une organisation qui ne sait pas évoluer constamment, ne survivra pas longtemps. Marie Barbier (RH BAP) tient à nuancer le propos : « On s’approche d’une organisation horizontale, mais le manager reste incontournable. Toutefois, ce dernier doit rester humble pour écouter les nouveaux qui apportent des visions nouvelles. Il faut savoir capter ça ! »

La culture d’entreprise se définit comme l’ensemble des valeurs et des principes, explicites et implicites d’une organisation. Une culture forte ne nécessite pas forcément que tous les employés soient constamment ensemble. Chaque entreprise doit être attentive à ce que la mobilité des travailleurs ne détruise pas l’adhésion aux valeurs de l’entreprise. Et pour éviter cet effet d’étiolement, les entreprises vont privilégier l’embauche de personnalités autonomes, résilientes, capables d’apporter à l’ensemble tout en s’adaptant.

Toutefois, le besoin de se rencontrer est fondamental. Mais une série de questions se posent alors : Quand se retrouver ? A quelle fréquence ? Les réponses seront variables d’une entreprise à l’autre. Tout est une histoire de “juste équilibre” déterminé par les orientations de chaque structure. Certaines entreprises ultra-nomades comme Buffer proposent à leurs salariés de se retrouver une fois par an, lors d’un Buffer Retreat dans un coin du globe, à Singapour, Madrid ou Sydney. Chez BAP, la culture d’entreprise est le socle constitué par la valeur confiance : dans les clients, dans l’équipe et en soi.

Buffer Team retreat
Buffer Team retreat

✭✭✭ Développer une véritable expertise sociale

Né en 2005 avec l’inauguration du premier espace de coworking à San Francisco, le coworking s’apprête à souffler ses treize bougies cette année. Ce mode de travail — dans toute la fougue de sa jeunesse — fait énormément bouger les lignes. Mais aujourd’hui, face à la réalité des échanges au sein des espaces de coworking, on peut porter un regard critique sur ce ptit jeune et se demander s’il a réellement coupé le cordon avec ses aînés, les modes de travail plus traditionnels. Car un état des lieux honnête du coworking oblige à reconnaître que l’optimum visé par le coworking n’est pas encore atteint, loin de là.

Depuis une dizaine d’années, chaque acteur du coworking évoque très naturellement la mission idéale de ces nouveaux espaces de travail, des environnements où tous les hébergés échangeraient ensemble, tous les jours. En réalité, cette situation — si elle existe parmi certains sous-groupes d’hébergés — reste encore à étendre significativement à l’ensemble des coworkers. A la simple question posée aux hébergés : « Qu’est ce qu’un bon coworker ? », une partie significative des interrogés répondra invariablement : « Une personne qui déjà, te dit bonjour. »

Cette réponse sous-tend un enjeu clé pour les acteurs du coworking : la création de lien social est une véritable innovation. L’erreur serait de considérer que le meilleur est atteint ou pire encore, que les choses devraient naturellement en rester là.

Loin d’une avancée technique obtenue à grands coups d’algorithmes, la création de lien social à l’ensemble d’une communauté est une avancée humaine, laborieuse qui oblige à déconstruire certaines habitudes pour en créer de nouvelles. Le chantier promet d’être long. Les habitudes à déconstruire sont celles qui ramènent naturellement chaque hébergé vers sa zone de confort, vers un terrain qui lui est familier : ses collègues ou uniquement ses colocataires d’open space.

Car si les innovations techniques permettent à chacun d’être toujours plus mobiles (lire plus haut), elles peuvent également empêcher deux voisins de se rapprocher. Il est possible de travailler dans un espace de coworking sans pour autant élargir son “graphe social”, notion chère à Thierry Crouzet. L’auteur de L’alternative Nomade définit : « A force de nous lier, nous dessinons un réseau de relations, sorte d’architecture en fil de fer d’une nouvelle cathédrale : le graphe social. Chaque fois que nous établissons un nouveau lien réciproque, nous accroissons notre liberté et notre individuation. En ce sens, nous nous développons personnellement, nous éprouvons un plaisir profond, intense et, en même temps durable. »

Certaines personnes peuvent partir au bout du monde sans jamais s’éloigner à plus d’un kilomètre de leur chambre d’hôtel, sans jamais couper leur téléphone. Dans ces conditions, le voyage est-il un véritable déclencheur de rencontres et d’évasions ? La mobilité peut-être stérile si elle n’induit aucune exploration.

La création de lien social à l’ensemble d’une communauté de coworkers est un objectif ambitieux qui doit répondre à une délicate équation : comment déconstruire les habitudes trop sclérosantes tout en respectant le besoin de stabilité nécessaire aux individus ? Sachant que le besoin de stabilité est variable d’une personne à l’autre, comment faire en sorte que de parfaits inconnus se rencontrent sans “souffrir” ?

Les moyens à mettre en oeuvre sont très variés, et que tout reste à inventer. Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs du coworking développent des outils et logiciel pour faciliter ce rapprochement. Ainsi, WeWork met à disposition une plateforme mondiale où s’échangent des compétences entre tous les hébergés de son écosystème. Morning Coworking fait de même avec son logiciel Link qui fonctionne comme un Facebook mis à disposition à l’ensemble des hébergés de son réseau, où chacun propose ses bons plans, réclame un coup de main, partage ses idées.

Mais il est important de préciser que les échanges à construire ne sont pas forcément “intéressés”. Si le développement de son “réseau pro” est un argument majeur, les échanges au sein du coworking ne doivent pas forcément induire un bénéfice direct pour l’hébergé et son entreprise. Clément Alteresco, fondateur de BAP insiste sur ce point : “Peu importe si ces relations sont d’ordre professionnelle ou non. Si les gens sont heureux d’aller bosser et de partager avec leur voisin, les résultats de l’entreprise suivront.” Ces propos vont dans le même sens que ceux de Thierry Crouzet dans L’alternative Nomade. Les limites du “graphe social” sont repoussées par des échanges d’autant plus efficaces lorsqu’ils sont réciproques et détachés du matériel.

Au-delà de toutes les technologies qui peuvent être développées pour accompagner ces échanges, c’est bien le facteur humain qui reste la clé pour emmener toute la communauté à partager. A commencer par le responsable d’un centre de coworking qui, au-delà de ses fonctions administratives doit être celui qui va impulser les connexions entre les hébergés, comme un véritable G.O. du Club Med Boulot. Cette personne va devoir trouver — au sein de ses coworkers — les personnalités les plus ouvertes qui pourront emmener d’autres personnes plus réservées avec eux. La chose n’est pas simple, les caractères de chacun étant très variés. Mais un autre type d’acteurs entre en jeu : ce sont les intervenants extérieurs qui vont mobiliser les hébergés en intervenant sur une thématique donnée. Le réseau Morning Coworking fait intervenir ses Morning Experts qui vont permettre aux hébergés de se regrouper par centre d’intérêt : théâtre, yoga, écriture, etc. Les groupes ainsi crées seront inédits, au gré des préférences personnelles de chacun, et la variété des échanges au sein de la communauté s’en trouvera densifiée. Et lorsque 100% des hébergés se salueront chaque jour, et auront établi ne serait-ce qu’un contact au cours de la journée, le coworking aura franchi un palier fondamental, peut-être son âge de raison.

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Marie Barbier

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